Moin Moin!
Ce dimanche matin, à quelques pas de l'Elbe, c'était «portes ouvertes» dans la Herbertstraße. D'habitude fermée aux femmes, elle accueillait toutes celles et ceux désireux de recevoir leur première, deuxième ou troisième dose contre le Covid-19. Une action intitulée «Love Booster», organisée au numéro 20 de la rue par le collectif Sexy Aufstand Reeperbahn. Mais dans cette nouvelle livraison de «Un dimanche à Hambourg», c'est au 7a de ce haut lieu des nuits hambourgeoises que je vous emmène, en compagnie de la dominatrice Manuela Freitag.
Viel Spaß beim Lesen et à dimanche prochain ! Arthur Devriendt
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La doyenne de la Herbertstraße
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« Depuis plus de 30 ans, je gagne mon argent en tant que domina dans la légendaire Herbertstraße. » Installée au numéro 7a de l'unique rue de Hambourg où les prostituées attendent leur clientèle derrière des vitrines, dans le quartier de Sankt Pauli, Manuela Freitag est la doyenne des lieux. Dans son autobiographie publiée en septembre chez Edel Books, elle alterne entre description de son métier et ses souvenirs passés. Entre art du « Kobern » – ces techniques utilisées pour attirer le client à sa fenêtre, puis de sa fenêtre à son studio au premier étage – et son enfance difficile, « qui prit fin à l'âge de 12 ans, avec mes premières expériences sur le trottoir. »
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A part le dimanche, son jour de repos hebdomadaire fixe, Manuela Freitag est presque chaque jour là. Son « service », comme elle l'appelle, commence à deux heure du matin pour finir entre dix heures et midi. Des horaires tardifs mais qui lui permettent d'éviter une trop forte « concurrence ». Les temps sont en effet lointains où elle n'avait qu'à « pêcher » dans la foule qui emplissait la rue à toute heure du jour et de la nuit. Si la Herbertstraße est toujours un « mythe », passage obligé de nombreux touristes (masculins), elle n'a plus la même importance qu'autrefois. Désormais, « les plus jeunes travaillent dans des studios chics répartis dans toute la ville. Beaucoup se fait anonymement à travers des sites internet. » Mais elle est restée, « parce que la Herbertstraße est exactement l'endroit où je souhaite être. »
Le 7a n'y a pas toujours été son adresse. Auparavant, elle a exercé au numéro 28. Dans un ensemble de trois maisons – la Herberstraße en compte 18 au total – reliées entre elles, toutes très colorées et surnommées le « Quartier Français ». Déjà dans ce studio, sa clientèle pouvait y trouver une croix de Saint-André et autres accessoires pour y assouvir ses désirs, dont la lecture donne parfois matière à rire ou à s'interroger. Ce sont d'ailleurs les anecdotes et petites histoires qui donnent un certain intérêt au livre, qui ne se distingue sinon pas par ses qualités littéraires. Ainsi on apprendra qu'il existe une « ligne invisible » qui coupe en deux la Herbertstraße dans le sens de la longueur. « Seuls les hommes qui marchent à droite de cette frontière imaginaire peuvent être interpellés par les filles des maisons de droite. La même chose vaut pour le côté gauche. Seulement ceux qui sont au milieu peuvent être abordés des deux côtés. » Manuela Freitag raconte aussi quelques-unes de ses rencontres marquantes. Ainsi dresse-t-elle le portrait de Paul, un de ses clients devenu depuis plus de 20 ans son homme à tout faire. Elle consacre également quelques pages à une des personnalités du milieu, Domenica Niehoff, disparue en 2009. Surnommée « la pute la plus célèbre de la République », cette figure de Hambourg avait participé à de nombreux émissions de télévision pour défendre la cause des prostituées et la légalisation de la profession.
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« Qui réussissait à s'établir dans la Herbertstraße jouait vraiment dans une autre catégorie » écrit Manuela Freitag dans les pages consacrées à sa jeunesse et à son arrivée à Hambourg. Née le 28 avril 1964 à Brême, d'un père inconnu et abandonnée par sa mère, elle est recueillie ses premières années par un couple de restaurateurs. Quand elle a cinq ans, les services sociaux frappent à la porte et la placent en foyer. Celle qui apprend, à cette occasion, que ses parents n'étaient pas ses vrais parents, commence alors une période où elle sera renvoyée d'institutions en institutions. A 12 ans, un éducateur propose de l'héberger chez lui. Partageant le même lit, il s'en suivra une relation sexuelle qu'elle mettra du temps à qualifier d'abus sexuel. A la recherche d'argent, elle commence peu après à faire le trottoir dans le quartier Steintor de Brême. Mais quand elle apprend par son tuteur que sa mère est vivante et prostituée à Hambourg, elle se met à sa poursuite. « Dès que la première occasion s'est présentée, j'en ai profité. Sans plan, sans valise, seulement avec les habits que je portais, je me suis mise à une aire d'autoroute et je suis partie pour Hambourg. » S'en suivront plusieurs tentatives, qui finiront au poste de police, trahie par son jeune âge. Mais à 16 ans, elle rencontre à Hambourg un homme qui lui propose de travailler dans un sauna aujourd'hui disparu, le Münsteria. Ce sera sa première rencontre avec un proxénète. A 18 ans, elle se décide toutefois pour la Reeperbahn, à l'angle de la Davidstraße et de la Herbertstraße, devant le bistrot Zum Anker, toujours là après les années.
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Si Manuela Freitag ne passe pas sous silence les nombreuses violences faites aux femmes dans le milieu de la prostitution, son livre se veut un plaidoyer pour sa propre liberté : « Ce que je fais, je le fais librement et sans contrainte. Aucune personne, aucun homme ou proxénète, ne m'impose quoi que ce soit.» Avant d'ajouter, compte tenu de son parcours de vie : « Mais cela doit être aussit dit, la vie ne m'a pas toujours laissé le libre choix. »
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Après le livre de Manuela Freitag, vous en voulez encore sur St. Pauli ?
Rasmus Gerlach a ce qu'il vous faut : un documentaire de trois heures, présenté mercredi dernier au Schanzenkino 73. Trois heures de déambulations et de rencontres avec des perosnnes vivant ou travaillant dans le qartier, transformé par la crise sanitaire.
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Depuis vendredi et jusqu'au 6 juin, le Musée d'histoire de la ville de Hambourg vous invite à une exposition autour des clichés du photographe stambouliote Ergun Çağatay (1937-2018). Une exposition à l'occasion du 60e anniversaire de l'accord entre l'Allemagne et la Turquie sur la venue des «Gastarbeiter».
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En mai dernier, la ville de Hambourg célébrait les 100 ans de sa naissance. Mort à 26 ans, Wolfgang Borchert est devenu une figure littéraire de l'après-guerre. En février 1947, il y a 75 ans, la NDR adaptait en pièce radiophonique son texte Draußen vor der Tür. Une diffusion qui n'aura pas laissé insensible les auditeurs de l'époque. Chaque jour jusqu'au 13 février, l'université publie sur son blog une lettre d'auditeur.
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Le coin des idées et des initiatives
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L'université rappelle ainsi l'article 5 de la constitution allemande, selon lequel « l'art, la science, la recherche et l'enseignement sont libres ». Toutefois, tout conflit ne doit pas être perçu d'emblée comme « une menace de la liberté scientifique » : celle-ci s'exerce en effet aussi à travers la confrontation entre pairs et en étant critique également vis-à-vis de soi-même. S'il n'est jamais inutile de rappeler de tels principes, on peut toutefois s'interroger sur la portée d'un tel document, et sa mobilisation concrète. Difficile d'imaginer quelle aide à la décision pourra apporter ce « codex » lors d'un conflit futur dans les murs de l'université.
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6 millions d'euros pour l'enfance et la jeunesse
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La NDR, le groupe audiovisuel public du nord de l'Allemagne, a récolté, de décembre à fin janvier, près de 6 millions d'euros au profit de projets destinés aux plus jeunes touchés par la pandémie et ses conséquences sociales. L'appel aux dons avait été diffusé au sein des programmes de la NDR en fin d'année.
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Une cyberattaque contre le port de Hambourg
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Le parquet de Hambourg a annoncé avoir ouvert une enquête contre X pour « extorsion de fonds » après une attaque informatique opérée contre les sociétés pétrolières Oiltanking et Mabanaft, qui dénoncent un « sabotage délibéré ». L'attaque, révélée par un journal belge, a également visé d'autres installations en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.
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Quel avenir pour le Rieckhof ?
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Centre culturel important du quartier de Harbourg, le Rieckhof cherche une nouvelle structure gestionnaire. Les intéressés avaient jusqu'à lundi pour déposer leur candidature. La décision sera prise et annoncée le 11 février.
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Les amoureux des bancs publics
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53 nouveaux bancs publics vont être déployés dans les quartiers de l'arrondissement nord de Hambourg. Adaptés aux personnes âgées, ils font partie d'un programme qui en prévoit 100 au total. Les nouveaux bancs seront installés dans la seconde moitié de 2022.
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Changer le nom des rues ?
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A Hambourg, 36% des rues portent le nom d'une personnalité. Parmi elles, une centaine de personnes rattachées aux exactions de la dictature nazie. Engagée sur la question depuis de nombreuses années et membre d'une commission ad hoc mise en place par l'administration en charge de la culture, Rita Bake s'est entretenue avec le média étudiant Fink.
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Dans mes oreilles - Abwärts
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Après Tocotronic la semaine dernière, c'est un autre groupe ancien et célèbre de Hambourg qui revient. Ce dimanche, ce sont les punks de Abwärts qui sortent les guitares, avec un titre studio inédit, « Gottes Falsche », prélude à la sortie d'un live prévu ces prochaines semaines. Un titre très sage et lisse par rapport à leur punk garage des débuts. Et vous, qu'avez-vous écouté cette semaine ?
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Vous avez aimé ce numéro ? N'hésitez pas à le faire savoir ! Vous pouvez transférer la lettre à vos amis, en parler sur les réseaux ou encore la soutenir financièrement en payant un café. Merci et à dimanche prochain !
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